lundi 26 mars 2012

Conférence de Philippe Aubertin: Le Christ vivant aujourd'hui

Conférence donnée à Colmar, le 9 mars 2012. Résumé de la conférence d'après mes notes:

Introduction de Doris Dodrimont: Philippe Aubertin est un chercheur du sens de la vie. Le Christ vivant aujourd'hui, c'est une réflexion sur le "Chemin du milieu"

Philippe Aubertin:
C'est périlleux de soulever un tel sujet aujourd'hui dans un monde sans Dieu(s).
Il y a actuellement 2 blocs entre lesquels il faut choisir son camp: Le bloc "Foi, religion", le bloc "Raison".
Entre les deux il y a le territoire de la métaphysique, en friche depuis Kant.
S'intéresser aux choses de l'esprit tout en y habitant une saine pensée, c'est le territoire de la  métaphysique. La science spirituelle de Rudolf Steiner est une métaphysique.
L'objet de la métaphysique est l'être: qu'est-ce que l'être? On admet qu'il existe "quelque être", et que l'être ne peut pas naître du néant. Le néant n'est pas un concept.
Il y a trois grandes métaphysiques:
  • La métaphysique orientale, pour laquelle le monde sensible n'est pas l'être, mais une illusion. Le seul être est Brahma.
  • La métaphysique occidentale grecque: le seul être est le monde sensible. C'est cette conception qui est en vigueur actuellement.
  • La métaphysique hébraïque: le monde sensible n'est pas un mirage, mais il existe un monde créé et un monde incréé, c'est ce dernier qui a créé le monde sensible. C'est la métaphysique chrétienne.
Laquelle est vraie?
L'homme souffre, sa souffrance n'est pas illusoire (contrairement à la conception orientale).
L'univers  a un commencement, une corruption, une fin (peut-être), c'est la grande découverte de la science moderne (le Big Bang). Ceci est contraire à la métaphysique occidentale (grecque). L'univers n'est donc pas l'être absolu. Cette idée se trouve dans la Genèse. Philippe Aubertin dit qu'il est l'auteur de cette démonstration (sans fausse modestie).
Dieu est l'être incréé, l'absolu.
La bible apparaît comme un "précis" de métaphysique.
"Puis Dieu dit: que la lumière soit..."
Dans l'évangile de Jean le monde s'est fait par la parole. Logos=fait de parler. La parole de Dieu est un être en soi (le Logos). Tout a été fait par le Logos et "rien de ce qui est n'a été fait sans lui".
Le monde est Logique. L'homme est un être logique (=conforme au Logos). Le Logos est venu "dresser sa tente parmi nous" (habiter). C'est le Christ. L'homme est à l'image de Dieu. L'homme est un être christologique.
L'homme a trois grandes facultés:
  • la connaissance (faculté de nommer les choses). L'homme peut connaître le Logoi, la charge divine qui est dans les choses, leur raison d'être.
  • la faculté désirante : désirer être comme Dieu
  • la faculté "irascible" La colère pour écarter de son chemin ce qui n'est pas Dieu, écarter les démons.
Dieu "a fait l'homme a son image et à sa ressemblance". L'image, c'est le modèle, le "programme" (le patron en couture). La ressemblance, c'est le résultat, qui doit être conforme au Père (Dieu). L'image c'est l'alpha. La ressemblance c'est l'oméga. La finalité de l'homme est de se rendre conforme à Dieu.
Un saint orthodoxe a dit: La fin des choses réside toujours dans leur cause.
Mais, il y a eu un "pépin" dans ce plan. L'homme a été créé libre, et a succombé au péché originel. L'homme a voulu ressembler à Dieu en se passant de Lui. Il s'est coupé de Dieu. Il a alors perdu ses trois facultés:
  • Il ne voyait plus le Logoi dans les choses, les objets lui apparaissaient dans leur absurdité, dans une multiplicité horizontale.
  • La faculté désirante est tombée en déchéance, est devenue le désir des objets, la recherche du plaisir dans le monde sensible, avec l'insatisfaction et la frustration permanente qui s'ensuit.
  • la puissance irascible s'est exercée à l'encontre des autres hommes.
En s'éloignant de Dieu l'homme s'est éloigné de lui-même, il s'est dégradé. L'homme avait perdu sa nature christologique.
Mais: le Christ est venu pour restaurer la nature originelle de l'homme, restaurer son empreinte, sauver son humanité. Le Logos s'est fait homme lors du baptême dans le Jourdain. Le souffle de l'esprit est descendu et a demeuré au-dessus de Jésus. Sans mélange: coopération entre l'homme Jésus et l'être du Christ, pour que l'homme ait la puissance (exusiai) de redevenir enfant de Dieu. Jésus Christ est devenu la "cellule souche" de la nouvelle humanité (le nouvel Adam), qui a retrouvé la mémoire de son humanité (= de sa divinité).
La première parole du Logos, qui parle par une bouche d'homme a été: que cherchez-vous? (que cherches-tu? = où demeures-tu?).
Les sept péchés capitaux (8 pour les orthodoxes, avec la tristesse, la dépression): ces 7 passions sont les générateurs des autres péchés. Le principal est l'orgueil, le péché originel. Le moi = s'identifier à ses passions. Ce que dit Rousseau est faux, l'homme ne naît pas bon et heureux, mais dégradé.
Son travail d'homme est de lutter contre ces péchés.
Quel générateur déployons-nous pour nous relier à Jésus-Christ?
Une instance supérieure nous dit: ce "moi" ce n'est pas toi.
Cette instance est "je suis". "je suis" est différent de "moi".
"Moi" c'est ce pack de vices.
L'instance qui ne veut pas cela est "je suis".
Dieu lui-même a donné ce nom. Que dit l'être absolu: "je suis", c'est le nom propre de l'être absolu.
"Je suis" est le plus intime de moi-même. "Je suis" en moi prend "moi" par les cheveux pour m'éloigner de mes passions.
Dieu répond à Moïse (Exode III 14): Je suis celui qui suis. Celui qui s'appelle "je suis" m'a envoyé vers vous.
Dans l'évangile de Jean, la samaritaine dit "je suis".
" je suis" = désintéressement, "moi" est au service de mes intérêts. Le Christ est un "anti-Narcisse".
Nous devons retourner nos puissances à Dieu. "Il faut qu'il croisse et que je diminue" (Jean-Baptiste) ce qui veut dire: il faut que "je suis" croisse et que "moi" diminue. La cellule souche de l'humanité restaure.
Mais on ne peut pas servir deux maîtres à la fois: l'attitude de chute n'est pas compatible avec l'attitude christique.
Quel chemin pour passer de "moi" à "je suis"? C'est un chemin personnel. Il y a 3 pistes:
  • lire les évangiles (= mode d'emploi de l'humanité nouvelle). Il faut lire ou plutôt "déplier" les évangiles (voir la 1ere épitre de Jean)
  • lutter pied à pied contre chacune de nos passions
  • cultiver une science spirituelle (voir les choses dans leur Logoi). Rudolf Steiner est l'instigateur de cette science spirituelle.
"Je suis la vie": le Christ est présent dans tous les phénomènes vivants. La lumière est invisible comme la vie est invisible, on voit les objets éclairés et on voit les êtres vivants. Toutes les formes de vie: la vie biologique, la vie relationnelle, la vie de la connaissance dans les pensées. Si nous maintenons nos pensées en vie le Christ habitera nos pensées. "Sans moi, vous ne pouvez rien" (Evangile de Jean).
Une image conclusion sur la difficulté de vivre ensemble socialement. Le premier commandement est : Aimez Dieu, retournez vous, aimez votre prochain, comme cette image de Saint Dorothée de Gaza:

 Le Christ est le moyeu de la roue. Les rayons sont les trajectoires humaines. Si on s'éloigne de Dieu on s'éloigne de son prochain. Une société humaine qui place en son centre autre chose que le Christ n'a pas d'avenir. Le Christ n'est pas le représentant d'une religion.