mardi 10 septembre 2013

Six exercices de Rudolf Steiner (Traduction intercalée avec le texte original)


Exigences générales, que chacun doit se fixer à lui-même, qui veut suivre la voie d'une éducation ésotérique.



Dans ce qui suit seront exposées les conditions devant se trouver à la base d'un développement occulte. Personne ne devrait penser que par quelque autre moyen dans la vie extérieure ou intérieure, il pourrait progresser s'il ne remplissait pas ces conditions. Tous les exercices de méditation, de concentration et analogues seront sans valeur, voire d'une certaine façon même dommageables si la vie n'est pas réglée dans le sens de ces conditions. On ne peut pas ajouter de forces à l'homme ; on peut seulement amener à se développer celles qui se trouvent déjà en lui. Elles ne se développent pas d'elles-mêmes, parce qu'il y a des obstacles extérieurs et intérieurs. Les obstacles extérieurs vont être évités en suivant les règles de vie qui suivent. Les obstacles intérieurs en suivant les exercices particuliers de méditation et de concentration , etc... La première condition est l'appropriation d'un penser pleinement clair. On doit dans ce but se libérer, ne serait-ce que pour un temps très court dans la journée, même cinq minutes (si plus, tant mieux), des feux follets des pensées. On doit devenir maître du monde de ses pensées. On n'en est pas maître, quand les circonstances extérieures, la profession, quelque tradition, les circonstances sociales, même sa propre appartenance à un certaine culture, lorsque le moment du jour, certaines réalisations, etc... déterminent qu'on a une pensée et comment on la déroule. On doit donc pendant une courte durée et tout à fait de son plein gré vider son âme du cours des pensées ordinaires quotidiennes et de par sa propre initiative placer une pensée au centre de l'âme. On n'a pas besoin de croire que celle-ci doit consister dans une pensée exceptionnelle ou intéressante; ce qui doit être atteint en rapport avec l'occulte sera même mieux atteint quand on s'efforce au début de choisir une pensée la plus inintéressante et la moins significative possible. Par là, la force agissante d'elle-même du penser, qui est ce qui compte, sera davantage suscitée, tandis qu'avec une pensée qui est intéressante, celle-ci l'emporte sur le penser lui-même. Cela est mieux, quand on entreprendra cette condition du contrôle de la pensée avec une épingle, qu'avec Napoléon Premier.

Allgemeine Anforderungen, die ein jeder an sich selbst stellen muß, der eine okkulte Entwickelung durchmachen will

 In dem Folgenden werden die Bedingungen dargestellt, die einer okkulten Entwickelung zugrunde liegen müssen. Es sollte niemand denken, daß er durch irgendwelche Maßnahmen des äußeren oder inneren Lebens vorwärtskommen könne, wenn er diese Bedingungen nicht erfüllt. Alle Meditations­ und Konzentrations­ und sonstigen Übungen werden wertlos, ja, in einer gewissen Beziehung sogar schädlich sein, wenn das Leben nicht im Sinne dieser Bedingungen sich regelt. Man kann dem Menschen keine Kräfte geben; man kann nur die in ihm schon liegenden zur Entwickelung bringen. Sie entwickeln sich nicht von selbst, weil es äußere und innere Hindernisse für sie gibt. Die äußeren Hindernisse werden behoben durch die folgenden Lebensregeln. Die inneren durch die besonderen Anweisungen über Meditation und Konzentration usw. Die erste Bedingung ist die Aneignung eines vollkommen klaren Denkens. Man muß zu diesem Zwecke sich, wenn auch nur eine ganz kurze Zeit des Tages, etwa fünf Minuten (je mehr, desto besser) freimachen von dem Irrlichtelieren der Gedanken. Man muß Herr in seiner Gedankenwelt werden. Man ist nicht Herr, wenn äußere Verhältnisse, Beruf, irgendwelche Tradition, gesellschaftliche Verhältnisse, ja, selbst die Zugehörigkeit zu einem gewissen Volkstum, wenn Tageszeit, bestimmte Verrichtungen usw., usw., bestimmen, daß man einen Gedanken hat, und wie man ihn ausspinnt. Man muß sich also in obiger Zeit ganz nach freiem Willen leer machen in der Seele von dem gewöhnlichen, alltäglichen Gedankenablauf und sich aus eigener Initiative einen Gedanken in den Mittelpunkt der Seele rücken. Man braucht nicht zu glauben, daß dies ein hervorragender oder interessanter Gedanke sein muß; was in okkulter Beziehung erreicht werden soll, wird sogar besser erreicht, wenn man anfangs sich bestrebt, einen möglichst uninteressanten und unbedeutenden Gedanken zu wählen. Dadurch wird die selbsttätige Kraft des Denkens, auf die es ankommt, mehr erregt, während bei einem Gedanken, der interessant ist, dieser selbst das Denken fortreißt. Es ist besser, wenn diese Bedingung der Gedankenkontrolle mit einer Stecknadel, als wenn sie mit Napoleon dem Großen vorgenommen wird. 

 On se dit : je pars maintenant de cette pensée et je la relie, à travers ma propre initiative intérieure, ce qui pourra être lié à elle de façon appropriée.
La pensée doit se tenir en outre à la fin de l'espace de temps tout autant pleine de couleur et vivante devant l'âme qu'au début.
On fait cet exercice jour après jour au moins pendant un mois; on peut se fixer chaque jour une nouvelle pensée, on peut cependant aussi adhérer à une pensée plusieurs jours.
A la fin d'un pareil exercice qu'on s'efforce que la sensation intérieure de fermeté et de sécurité qu'on remarquera bientôt par une attention subtile accordée à sa propre âme,  soit amenée pleinement à la conscience, et alors  on termine l'exercice par le fait qu'on pense à sa tête et au milieu du  dos (le cerveau et la moelle épinière), comme si on voulait verser cette sensation dans ces parties du corps.
Quand on se sera exercé de cette façon environ un mois, on pourra laisser s’ajouter une deuxième exigence. On cherche à imaginer quelque action que dans le cours ordinaire de sa vie passée on n'aurait certainement jamais projetée. On se donne alors soi-même cette action comme devoir pour chaque jour. Ce sera de ce fait bon, de pouvoir choisir une action qui pourra être accomplie chaque jour dans l'espace de temps le plus long possible.  A nouveau c'est mieux que l'on commence par une action sans signification, à laquelle pour ainsi dire on doit se contraindre, par exemple on se met à une heure fixe de la journée à arroser une fleur que l'on a achetée. Après un certain temps on devrait ajouter une deuxième action semblable à la première, plus tard une troisième et ainsi de suite, tant que l'on peut  continuer en maintenant tous les autres devoirs. Cet exercice devrait encore une fois durer un mois. Mais on devrait pour autant qu'on peut, s'appliquer pendant ce deuxième mois aussi au premier exercice, quoique on ne fait plus de ce dernier un devoir privilégié comme au premier mois. Cependant il ne faudrait pas le perdre de vue, sinon on s'apercevrait bientôt que les fruits du premier mois se perdent vite et que la vieille routine des pensées incontrôlées reprend.  On doit par conséquent veiller par-dessus tout à ne plus jamais perdre ces fruits une fois gagnés.  Lorsqu'on a derrière soi une tâche-initiative semblable suite au deuxième exercice, alors qu’on prenne conscience par une attention subtile de la sensation intérieure de la pulsion d'activité au sein de l'âme et on verse cette sensation en quelque sorte dans son corps, de sorte qu'on la laisse couler de la tête jusqu'au-dessus du cœur.


Man sagt sich: Ich gehe jetzt von diesem Gedanken aus und reihe an ihn durch eigenste innere Initiative alles, was sachgemäß mit ihm verbunden werden kann. Der Gedanke soll dabei am Ende des Zeitraumes noch ebenso farbenvoll und lebhaft vor der Seele stehen wie am Anfang. Man mache diese Übung Tag für Tag, mindestens einen Monat hindurch; man kann jeden Tag einen neuen Gedanken vornehmen; man kann aber auch einen Gedanken mehrere Tage festhalten. Am Ende einer solchen Übung versuche man, das innere Gefühl von Festigkeit und Sicherheit, das man bei subtiler Aufmerksamkeit auf die eigene Seele bald bemerken wird, sich voll zum Bewußtsein zu bringen, und dann beschließe man die Übungen dadurch, daß. man an sein Haupt und an die Mitte des Rückens (Hirn und Rückenmark) denkt, so wie wenn man jenes Gefühl in diesen Körperteil hineingießen wollte. 
 Hat man sich etwa einen Monat also geübt, so lasse man eine zweite Forderung hinzutreten. Man versuche irgendeine Handlung zu erden­ ken, die man nach dem gewöhnlichen Verlaufe seines bisherigen Lebens ganz gewiß nicht vorgenommen hätte. Man mache sich nun diese Handlung für jeden Tag selbst zur Pflicht. Es wird daher gut sein, wenn man eine Handlung wählen kann, die jeden Tag durch einen möglichst langen Zeitraum vollzogen werden kann. Wieder ist es besser, wenn man mit einer unbedeutenden Handlung beginnt, zu der man sich sozusagen zwingen muß, zum Beispiel man nimmt sich vor, zu einer bestimmten Stunde des Tages eine Blume, die man sich gekauft hat, zu begießen. Nach einiger Zeit soll eine zweite dergleichen Handlungen zur ersten hinzutreten, später eine dritte und so fort, soviel man bei Aufrechterhaltung seiner sämtlichen anderen Pflichten ausführen kann. Diese Übung soll wieder einen Monat lang dauern. Aber man soll, soviel man kann, auch während dieses zweiten Monats der ersten Übung obliegen, wenn man sich diese letztere auch nicht mehr so zur ausschließlichen Pflicht macht wie im ersten Monat. Doch darf sie nicht außer acht gelassen werden, sonst würde man bald bemerken, wie die Früchte des ersten Monats bald verloren sind und der alte Schlendrian der unkontrollierten Gedanken wieder beginnt. Man muß überhaupt darauf bedacht sein, daß man diese Früchte, einmal gewonnen, nie wieder verliere. Hat man eine solche durch die zweite Übung vollzogene InitiativHandlung hinter sich, so werde man sich des Gefühles von innerem Tätigkeitsantrieb innerhalb der Seele in subtiler Aufmerksamkeit bewußt und gieße dieses Gefühl gleichsam so in seinen Leib, daß man es vom Kopfe bis über das Herz herabströmen lasse.


Au cours du troisième mois, comme nouvel exercice on devrait mettre au centre de la vie l'éducation d'une certaine sérénité vis-à-vis des fluctuations de plaisir et de peine, de joie et de douleur, le « joie céleste, tristesse mortelle »1 devrait être remplacé consciemment par une humeur égale. On doit être attentif à ce qu’aucune joie ne nous emporte, qu'aucune douleur ne nous abatte, qu'aucune expérience ne nous emporte vers une colère ou une désolation exagérée, qu'aucune attente ne nous remplisse d'anxiété ou de peine, qu'aucune situation ne nous déconcerte, etc..., etc...  On n'a pas à craindre qu'un tel exercice ne nous rende froid et pauvre en vie : on remarquera au contraire rapidement que à la place, à travers cet exercice apparaissent des propriétés purifiées de l'âme ; par-dessus tout on pourra ressentir un jour par une attention subtile un calme intérieur dans le corps ; on verse celui-ci dans le corps comme dans les deux cas précédents, tout en  le laissant rayonner du cœur vers les mains, les pieds et enfin vers la tête. Ceci ne peut naturellement pas être mis en œuvre dans ce cas après chaque exercice séparément, parce qu'en fait on n'a pas affaire ici à un exercice isolé, mais à une attention persistante sur la vie intérieure de l'âme. On doit au moins une fois par jour appeler ce calme intérieur devant l'âme, et ensuite mettre en œuvre l'exercice du rayonnement à partir du cœur. Vis-à-vis des exercices du premier et deuxième mois on doit se comporter comme vis-à-vis du premier mois lors du deuxième.

Im dritten Monat soll als neue Übung in den Mittelpunkt des Lebens gerückt werden die Ausbildung eines gewissen Gleichmutes gegenüber den Schwankungen von Lust und Leid, Freude und Schmerz, das «Himmelhochjauchzend, zu Tode betrübt» soll mit Bewußtsein durch eine gleichmäßige Stimmung ersetzt werden. Man gibt auf sich acht, daß keine Freude mit einem durchgehe, kein Schmerz einen zu Boden drücke, keine Erfahrung einen zu maßlosem Zorn oder Ärger hinreiße, keine Erwartung einen mit Ängstlichkeit oder Furcht erfülle, keine Situation einen fassungslos mache, usw., usw. Man befürchte nicht, daß eine solche Übung einen nüchtern und lebensarm mache; man wird vielmehr alsbald bemerken, daß an Stelle dessen, was durch diese Übung vorgeht, geläutertere Eigenschaften der Seele auftreten; vor allem wird man eines Tages eine innere Ruhe im Körper durch subtile Aufmerksamkeit spüren können; diese gieße man, ähnlich wie in den beiden oberen Fällen, in den Leib, indem man sie vom Herzen nach den Händen, den Füßen und zuletzt nach dem Kopfe strahlen läßt. Dies kann natürlich in diesem Falle nicht nach jeder einzelnen Übung vorgenommen werden, da man es im Grunde nicht mit einer einzelnen Übung zu tun hat, sondern mit einer fortwährenden Aufmerksamkeit auf sein inneres Seelenleben. Man muß sich jeden Tag wenigstens einmal diese innere Ruhe vor die Seele rufen und dann die Übung des Ausströmens vom Herzen vornehmen. Mit den Übungen des ersten und zweiten Monats verhalte man sich, wie mit der des ersten Monats im zweiten. 

Le quatrième mois comme nouvel exercice on devrait pratiquer ce qu'on appelle la positivité. Elle consiste en ce que l'on recherche dans toutes les expériences, les êtres, et les choses ce qu'il y a en elles de bon, d'excellent, de beau, etc... Le mieux pour caractériser cette qualité de l'âme est à travers une légende perse sur le Christ Jésus. Comme celui-ci avec ses disciples était une fois en chemin, ils virent au bord de la route un chien putréfié déjà très décomposé qui était couché là. Tous les disciples se détournèrent du spectacle laid, seul le Christ Jésus resta là, considérant sérieusement l'animal et dit : quelles dents merveilleusement belles a cet animal ! Là où les autres avaient vu seulement le laid et l'antipathique, lui cherchait le beau.  Ainsi l'élève en ésotérisme doit aspirer à chercher en tout phénomène et en tout être, le positif. Il remarquera bientôt  sous le masque du laid une beauté cachée, même sous le masque du criminel une bonté cachée, que sous le masque d'un fou d'une certaine façon l'âme divine se cache. Cet exercice a quelque chose de commun avec ce qu'on appelle l'absence de critique. Il ne faudrait pas interpréter cette affaire en appelant blanc ce qui est noir et noir ce qui est blanc. Et il y a une différence entre une appréciation sortant directement de sa propre personnalité et marqué de sympathie et d'antipathie selon sa propre personnalité même, et un point de vue qui plonge affectueusement dans l'apparition étrangère ou dans l'être étranger et se demande avant tout : comment se fait-il que cette chose étrangère soit ainsi ou agisse ainsi ? Un tel point de vue va tout à fait de lui-même faire qu'on s'efforce d'aider la personne imparfaite plutôt que de blâmer ou de critiquer. L'objection, que les conditions de la vie exigent de beaucoup d'hommes qu'ils blâment et jugent, ne peut pas s'appliquer ici. Parce que ces conditions de la vie sont précisément telles que celui qui est concerné ne peut pas passer par un enseignement occulte. Il existe précisément de nombreuses conditions de la vie, qui rendent dans une large mesure l'enseignement occulte impossible. Ici l'homme ne devrait justement pas demander impatiemment à faire malgré tout les progrès qui ne pourront être faits que dans des conditions données. Celui qui pendant tout un mois a dirigé sa conscience vers le positif dans toutes ses expériences, celui-ci remarquera peu à  peu qu'une sensation s'insinue dans son intérieur, comme si sa peau de tous les côtés devenait perméable et que son âme s'ouvre largement à toutes sortes de processus secrets et subtils dans son environnement qui auparavant échappaient complètement à son attention. Il s'agit justement de combattre les inattentions qui existent dans chaque homme à l'encontre de telles choses subtiles. Lorsqu'on aura remarqué une fois, que la sensation ici décrite se manifeste dans l'âme comme une sorte de félicité, alors qu'on cherche à diriger en pensée cette sensation  vers le cœur et de là la faire couler dans les yeux et de là vers l'extérieur dans l'espace devant et tout autour de soi. On remarquera que l'on acquiert par là un rapport intime avec cet espace. On s'agrandit en quelque sorte à l'extérieur et au delà de soi. On apprend à  traiter une partie de l'environnement comme si elle faisait partie de soi-même. Une grande concentration est justement nécessaire pour cet exercice et par dessus-tout une reconnaissance du fait que tout ce qui est agité, passionné, riche d'affects agit d'une façon complètement destructrice sur l'atmosphère indiquée. Avec la répétition des exercices du premier mois on se tient encore une  fois comme il a été indiqué pour les mois précédents.

Im vierten Monat soll man als neue Übung die sogenannte Positivität aufnehmen. Sie besteht darin, allen Erfahrungen, Wesenheiten und Dingen gegenüber stets das in ihnen vorhandene Gute, Vortreffliche, Schöne usw. aufzusuchen. Am besten wird diese Eigenschaft der Seele charakterisiert durch eine persische Legende über den Christus Jesus. Als dieser mit seinen Jüngern einmal einen Weg machte, sahen sie am Wegrande einen schon sehr in Verwesung übergegangenen Hund liegen. Alle Jünger wandten sich von dem häßlichen Anblick ab, nur der Christus Jesus blieb stehen, betrachtete sinnig das Tier und sagte: Welch wunderschöne Zähne hat das Tier! Wo die ändern nur das Häßliche, Unsympathische gesehen hatten, suchte er das Schöne. So muß der esoterische Schüler trachten, in einer jeglichen Erscheinung und in einem jeglichen Wesen das Positive zu suchen. Er wird alsbald bemerken, daß unter der Hülle eines Häßlichen ein verborgenes Schönes, daß selbst unter der Hülle eines Verbrechers ein verborgenes Gutes, daß unter der Hülle eines Wahnsinnigen die göttliche Seele irgendwie verborgen ist. Diese Übung hängt in etwas zusammen mit dem, was man die Enthaltung von Kritik nennt. Man darf diese Sache nicht so auffassen, als ob man schwarz weiß und weiß schwarz nennen sollte. Es gibt aber einen Unterschied zwischen einer Beurteilung, die von der eigenen Persönlichkeit bloß ausgeht und Sympathie und Antipathie nach dieser eigenen Persönlichkeit beurteilt. Und es gibt einen Standpunkt, der sich liebevoll in die fremde Erscheinung oder das fremde Wesen versetzt und sich überall fragt: Wie kommt dieses Andere dazu, so zu sein oder so zu tun? Ein solcher Standpunkt kommt ganz von selbst dazu, sich mehr zu bestreben, dem Unvollkommenen zu helfen, als es bloß zu tadeln und zu kritisieren. Der Einwand, daß die Lebensverhältnisse von vielen Menschen verlangen, daß sie tadeln und richten, kann hier nicht gemacht werden. Denn dann sind diese Lebensverhältnisse eben solche, daß der Betreffende eine richtige okkulte Schulung nicht durchmachen kann. Es sind eben viele Lebensverhältnisse vorhanden, die eine solche okkulte Schulung in ausgiebigem Maße nicht möglich machen. Da sollte eben der Mensch nicht ungeduldig verlangen, trotz alledem Fortschritte zu machen, die eben nur unter gewissen Bedingungen gemacht werden können. Wer einen Monat hindurch sich bewußt auf das Positive in allen seinen Erfahrungen hinrichtet, der wird nach und nach bemerken, daß sich ein Gefühl in sein Inneres schleicht, wie wenn seine Haut von allen Seiten durchlässig würde und seine Seele sich weit öffnete gegenüber allerlei geheimen und subtilen Vorgängen in seiner Umgebung, die vorher seiner Aufmerksamkeit völlig entgangen waren. Gerade darum handelt es sich, die in jedem Menschen vorhandene Aufmerksamlosigkeit gegenüber solchen subtilen Dingen zu bekämpfen. Hat man einmal bemerkt, daß dies beschriebene Gefühl wie eine Art von Seligkeit sich in der Seele geltend macht, so versuche man dieses Gefühl im Gedanken nach dem Herzen hinzulenken und es von da in die Augen strömen zu lassen, von da hinaus in den Raum vor und um den Menschen herum. Man wird bemerken, daß man ein intimes Verhältnis zu diesem Raum dadurch erhält. Man wächst gleichsam über sich hinaus. Man lernt ein Stück seiner Umgebung noch wie etwas betrachten, das zu einem selber gehört. Es ist recht viel Konzentration zu dieser Übung notwendig und vor allen Dingen ein Anerkennen der Tatsache, daß alles Stürmische, Leidenschaftliche, Affektreiche völlig vernichtend auf die angedeutete Stimmung wirkt. Mit der Wiederholung der Übungen von den ersten Monaten hält man es wieder so, wie für frühere Monate schon angedeutet ist. 

Le cinquième mois on cherche en soi à former le sentiment  d'affronter ingénument chaque nouvelle expérience  Ce qui survient en nous, lorsque les hommes à l'encontre de quelque chose juste entendu ou  vu disent : « Je n'ai encore jamais entendu cela, je ne le pense pas, c'est une tromperie », avec cette attitude l'élève en ésotérisme doit complètement rompre. Il doit être disponible pour accueillir à chaque instant une expérience  entièrement nouvelle. Ce qu'il reconnaissait jusqu'à présent comme légitime, ce qui  lui paraissait possible, ne devrait pas être une entrave à l'acceptation d'une nouvelle vérité. C'est certes exprimé de façon radicale, mais absolument vraie, que si quelqu'un vient vers l'élève en esotérisme et lui dit : « Dis-donc, depuis cette nuit le clocher de l'église X se dresse complètement penchée », alors l'ésotériste devrait garder une porte de derrière ouverte pour l'opinion possible, que sa connaissance des lois de la nature jusqu'à ce moment peut encore s'étendre à un fait apparemment inédit de cette sorte. Si au cinquième mois il dirige son attention pour avoir cette attitude, il remarquera qu'il se glisse dans son âme une sensation comme si dans l'espace dont il a été question dans l'exercice du quatrième mois, quelque chose de vivant naissait, comme si quelque chose s'y mouvait. Cette sensation est extraordinairement fine et subtile. On doit essayer attentivement de saisir cette vibration dans l'environnement et la laisser en quelque sorte rayonner à travers tous les cinq sens, nommément à travers les yeux, les oreilles et à travers la peau, pour autant que cette dernière renferme le sens de la chaleur. A ce niveau du développement ésotérique on apportera moins d'attention à l'impression de ces émotions sur les sens inférieurs, le goût, l'odorat et le toucher. Il n'est pas encore bien possible, à ce niveau, de distinguer le bilan des nombreuses mauvaises influences qui se mélangent aux bonnes choses qui existent dans cette sphère, de celles-ci ; de ce fait l'élève laissera cette question pour un niveau ultérieur.


Im fünften Monat versuche man dann in sich das Gefühl auszubilden, völlig unbefangen einer jeden neuen Erfahrung gegenüberzutreten. Was uns entgegentritt, wenn die Menschen gegenüber einem eben Gehörten und Gesehenen sagen: «Das habe ich noch nie gehört, das habe ich noch nie gesehen, das glaube ich nicht, das ist eine Täuschung», mit dieser Gesinnung muß der esoterische Schüler vollständig brechen. Er muß bereit sein, jeden Augenblick eine völlig neue Erfahrung entgegenzunehmen. Was er bisher als gesetzmäßig erkannt hat, was ihm als möglich erschienen ist, darf keine Fessel sein für die Aufnahme einer neuen Wahrheit. Es ist zwar radikal ausgesprochen, aber durchaus richtig, daß wenn jemand zu dem esoterischen Schüler kommt und ihm sagt: «Du, der Kirchturm der X-Kirche steht seit dieser Nacht völlig schief», so soll der Esoteriker sich eine Hintertür offen lassen für den möglichen Glauben, daß seine bisherige Kenntnis der Naturgesetze doch noch eine Erweiterung erfahren könne durch eine solche scheinbar unerhörte Tatsache. Wer im fünften Monat seine Aufmerksamkeit darauf lenkt, so gesinnt zu sein, der wird bemerken, daß sich ein Gefühl in seine Seele schleicht, als ob in jenem Raum, von dem bei der Übung im vierten Monat gesprochen wurde, etwas lebendig würde, als ob sich darin etwas regte. Dieses Gefühl ist außerordentlich fein und subtil. Man muß versuchen, dieses subtile Vibrieren in der Umgebung aufmerksam zu erfassen und es gleichsam einströmen zu lassen durch alle fünf Sinne, namentlich durch Auge, Ohr und durch die Haut, insofern diese letztere den Wärmesinn enthält. Weniger Aufmerksamkeit verwende man auf dieser Stufe der esoterischen Entwickelung auf die Eindrücke jener Regungen in den niederen Sinnen, des Geschmacks, Geruchs und des Tastens. Es ist auf dieser Stufe noch nicht gut möglich, die zahlreichen schlechten Einflüsse, die sich unter die auch vorhandenen guten dieses Gebiets einmischen, von diesen zu unterscheiden; daher überläßt der Schüler diese Sache einer späteren Stufe.

Le sixième mois on devrait chercher à entreprendre encore et encore tous les cinq exercices d'une façon alternée et systématique. Il se construira par là progressivement un bel équilibre de l'âme. On remarquera nommément que les désaccords éventuels existant avec les phénomènes et les êtres du monde disparaissent complètement. Une humeur  réconciliante avec tous les vécus s'empare de l'âme, humeur qui n'est en aucune manière une indifférence, mais au contraire permet d'abord de travailler dans le monde de façon  réellement améliorante et progressiste. Une compréhension sereine s'ouvre devant des choses auxquelles auparavant l'âme était entièrement fermée. Même la démarche et les gestes de l'homme deviennent autres sous l'influence de tels exercices, et si l'homme  un beau jour remarque, que son écriture a acquis un autre caractère, alors il peut se dire, qu'il est juste sur le point d'atteindre un premier degré sur le sentier montant. Encore une fois, deux choses doivent être recommandées : premièrement, que les six exercices dont on a parlé paralysent les mauvaises influences que d'autres exercices occultes ont pu avoir, de sorte qu'il n'existe en résultat que le bon. Et deuxièmement, qu'ils sont en fait les seuls qui peuvent affermir le résultat du travail de méditation et de concentration. Même le pur encore que très consciencieux  accomplissement de la morale courante ne suffit pas encore à l'ésotériste, car cette morale peut être très égoïste, si on se dit : je vais être bon, pour qu'on me trouve bon.
- L'ésotériste fait le bien non pas tant pour qu'on le trouve bon, mais parce qu'il reconnaît peu à peu, que le bien seul porte l'évolution en avant, que le mal par contre s'y oppose et que le manque de sagesse et la laideur font obstacle sur le chemin de cette évolution.


Im sechsten Monat soll man dann versuchen, systematisch in einer regelmäßigen Abwechslung alle fünf Übungen immer wieder und wieder vorzunehmen. Es bildet sich dadurch allmählich ein schönes Gleichgewicht der Seele heraus. Man wird namentlich bemerken, daß etwa vorhandene Unzufriedenheiten mit Erscheinung und Wesen der Welt vollständig verschwinden. Eine allen Erlebnissen versöhnliche Stimmung bemächtigt sich der Seele, die keineswegs Gleichgültigkeit ist, sondern im Gegenteil erst befähigt, tatsächlich bessernd und fortschrittlich in der Welt zu arbeiten. Ein ruhiges Verständnis von Dingen eröffnet sich, die früher der Seele völlig verschlossen waren. Selbst Gang und Gebärde des Menschen ändern sich unter dem Einfluß solcher Übungen, und kann der Mensch gar eines Tages bemerken, daß seine Handschrift einen anderen Charakter angenommen hat, dann darf er sich sagen, daß er eine erste Sprosse auf dem Pfade aufwärts eben im Begriffe zu erreichen ist. Noch einmal muß zweierlei eingeschärft werden: Erstens, daß die besprochenen sechs Übungen den schädlichen Einfluß, den andere okkulte Übungen haben können, paralysieren, so daß nur das Günstige vorhanden bleibt. Und zweitens, daß sie den positiven Erfolg der Meditations­ und Konzentrationsarbeit eigentlich allein sichern. Selbst die bloße noch so gewissenhafte Erfüllung landläufiger Moral genügt für den Esoteriker noch nicht, nahmentlichdenn diese Moral kann sehr egoistisch sein, wenn sich der Mensch sagt: Ich will gut sein, damit ich für gut befunden werde. ­ Der Esoteriker tut das Gute nicht, weil er für gut befunden werden soll, sondern weil er nach und nach erkennt, daß das Gute allein die Evolution vorwärts bringt, das Böse dagegen und das Unkluge und das Häßliche dieser Evolution Hindernisse in den Weg legen. 

1Citation de « Egmont » de Goethe (NDT)

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Six exercices de Rudolf Steiner traduit par Pierre Moine est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 3.0 non transposé.

mercredi 24 juillet 2013

Citation de Helmulth von Molke, chef d'état major des armées allemandes au début de la guerre de 14, ami de Rudolf Steiner

Berlin, 15. April 1903.
Gewiß sollen wir nach immer größerer Vergeistigung streben, aber meiner Ansicht nach nicht da- durch, daß wir das Materielle einfach negieren und verachten, sondern dadurch, daß wir aus ihm die ideellen Momente immer reiner hervortreten lassen, dadurch, daß wir es verklären und durchleuchten mit dem Geistigen, als da ist: Liebe, Sorge für den Nächsten, Zartheit der Empfindung, Nachsicht mit den Fehlern anderer. So werden wir uns im materiellen Kleide eine geistige Welt schaffen, wir werden nicht das Irdische verachten, sondern es veredeln, nicht die Welt, in der wir leben, gewaltsam aus den Angeln heben wollen, sondern unser materielles Dasein als das erkennen, was es sein soll, eine Durchgangsstufe zum besseren Dasein. Wenn wir diese Stufe aus der Leiter der Weltentwicklung herausbrechen wollen, so tritt unser Fuß ins Leere und wir fallen, da wir noch keine Flügel haben. Ich meine, wir sollen fest und sicher auf dieser Stufe stehen, den Blick nach oben gerichtet, im Bewußtsein, daß noch weitere Stufen kommen, aber auch in dem klaren Bewußtsein, daß wir zur nächsten erst weiterschreiten können, wenn wir das Gleichgewicht auf der jetzigen erlangt haben.
Ma traduction:
C'est certain que nous devrions nous efforcer à une plus grande spiritualisation, mais à mon point de vue non pas par cela que nous nierions ou mépriserions simplement le matériel, mais par cela que nous laissions à travers lui apparaître des moments idéels de plus en plus purs, par cela que nous éclaircissions et éclairions par le spirituel ce qui est dans des choses comme : l'amour, le souci du prochain, la délicatesse des sentiments, l'indulgence pour les fautes des autres. De cette façon nous allons créer pour nous un monde spirituel dans des habits matériels, nous n'allons pas mépriser le terrestre, mais au contraire l'améliorer, non pas vouloir par la force dérouter le monde dans lequel nous vivons, mais plutôt reconnaître notre existence matérielle pour ce qu'elle devrait être, un degré menant vers une meilleure existence. Si nous voulions supprimer ce degré de l'échelle de l'évolution du monde, notre pied marcherait dans le vide et nous tomberions, car nous n'avons pas encore d'ailes. Mon opinion est que nous devrions rester solides et en sûreté sur ce degré, le regard dirigé vers le haut, conscients que viennent encore d'autres degrés, mais aussi clairement conscients que nous ne pourrons atteindre le degré suivant que lorsque nous aurons atteint l'équilibre sur le degré actuel.

(lettre à sa femme Eliza)

vendredi 8 février 2013

Réimpression de La Philosophie de la Liberté dans la traduction de Frédéric Kozlik

Le livre La philosophie de la liberté

 A propos de la traduction, qui peut surprendre, un extrait de l'introduction de Frédéric Kozlik:

 Nous voudrions terminer cette présentation par quelques réflexions sur notre traduction livrée au lecteur, considérations faites en pleine connaissance de l'existence impérissable du traduttore‑traditore, sempiternelle métamorphose d'interprète, émergeant, tel un inextirpable serpent de mer, à chaque transvasement linguistique ! Nombreux sont les passages dans l'œuvre de Rudolf Steiner où des touches se veulent d'aider le lecteur à mieux se situer par rapport à ce qu'est la Philosophie de la liberté. L'une de ces mentions compare cette œuvre à un organisme vivant dont il ne serait pas possible d'intervertir des organes ou autres constituants. La Philosophie de la liberté n'est ainsi pas à prendre comme un contenu de concepts, mais plutôt comme une partition de musique, exigeant du lecteur une participation chronologique. Et tout comme le sens d'une œuvre musicale ne réside pas, en fin de compte, dans la connaissance de tel motif ou de telle articulation harmonique, de même le sens de la Philosophie de la liberté réside moins dans la connaissance de son contenu que dans la participation active au déroulement, étape par étape, de son activité devenant de ce fait celle du lecteur. A y regarder de plus près, on s'aperçoit de plus que non seulement les chapitres et les paragraphes ne sont pas interchangeables, mais que les phrases elles‑mêmes, dans leurs structures internes, participent de cette construction non inversible. Le choix ayant guidé notre traduction est par conséquent le suivant : vu qu'une telle activité demandée au lecteur – processus assurément nouveau dans la production philosophique – est difficilement compatible avec le conventionnalisme de notre langue élaborée dans d'autres états de conscience, nous avons renoncé dans toute la mesure du possible à l'emploi idiomatique du français. Nous avons estimé possible de puiser dans la potentialité de notre langue tout de même non figée par des compilations passées d'auteurs, afin de permettre au lecteur l'abord de ce que la traduction d'un ouvrage tel que celui‑ci voudrait présenter : le cheminement de la pensée voulu par l'auteur. Et c'est ici que nous rappelons le caractère de compte rendu d'expérience que porte tout l'ouvrage, et que nous avons essayé de rendre au maximum pour l'essentiel du texte : non pas en nous attachant, comme on pourrait parfaitement le concevoir, à "épouser le style de l'auteur", mais en essayant de "rendre compte" d'une expérience intérieure, lucide car soudée à la pensée, nécessaire à l'abord de ce fondement de l'anthroposophie, et de ce fait acceptée par le lecteur, ne fût‑ce qu'à titre de renseignement. Il ne viendrait à l'idée de personne de croire qu'une simple prise de connaissance des idées d'un drame par exemple, puisse constituer une catharsis dont parlait Aristote. Le spectateur se doit, s'il veut pénétrer l'œuvre dans ce qu'elle est, de participer à toute l'articulation chronologique, pour vivre éventuellement une évolution de son moi. Ici, Rudolf Steiner réunit en l'authentique moi humain en devenir, la triade existant dès l'avènement par l'hellénisme de l'ère de la pensée, à savoir le divin, l'Univers, et l'individu pensant : monisme intégralement immanent pour Rudolf Steiner, devant être conquis pas à pas, et fondant ainsi par ce qu'il est et par ce qu'il exige, toute la science, dite spirituelle, que sera l'Anthroposophie. Le texte allemand ne fait pas partie, à proprement parler, du langage écrit au sens habituel de ce terme, même si l'on infléchit le regard sur l'écriture par la prise en considération de son caractère narratif, conformément d'ailleurs à l'épigraphe : ce texte préfigure, en fait et résolument, le futur message oral de son auteur, qui se déroulera dans ses formes publique et acroamatique durant un quart de siècle, donnant naissance à une œuvre de plus de trois cents volumes, rendue finalement entièrement publique par Rudolf Steiner lui‑même. Il est des textes qui constituent un véritable dialogue : monologue primordial de l'écrivain, se métamorphosant en dialogue par la complicité du lecteur reprenant pour son compte, et simultanément avec l'auteur imaginé présent, le message. En lisant – en pratiquant – la Philosophie de la liberté dans le texte, on ne peut s'empêcher de vouloir lire à haute voix cette composition, pour donner aux phrases un relief que l'écriture, inévitablement dépourvue de moyens diacritiques sur le plan des nuances sémantiques – mis à part l'esseulée italique –, appelle et ne peut donner. Le texte français ne peut ainsi, lui non plus, dans son essai de restitution fondamentale, être considéré comme un texte écrit et muet, que l'on balaierait simplement d'un regard niveleur dans la seule fixation de ses concepts, espérée aisée de surcroît. La Philosophie de la liberté demande une lecture à haute voix même si celle‑ci n'est ouïe qu'intérieurement. Ou plutôt la lecture qu'exige cette œuvre authentiquement dramatique : celle d'un drame de l'homme moderne... Et en fin de compte : un but essentiel de l'œuvre est de hisser le lecteur vers ce que Rudolf Steiner appelle la pensée pure. Ce que cette pensée est, apparaîtra au fil des développements ; mais l'une de ses caractéristiques peut dès maintenant être relevée : la pensée pure ne s'exprime plus par des mots. Le message écrit ou transposé n'est pas, de ce fait, une finalité linguistique. Toute écriture ne peut être qu'un prétexte pour son propre abandon, et renvoie par conséquent à ce qui, par essence, n'est plus exprimable : la jonction dans le penser entre le sensible et le suprasensible.

mercredi 23 janvier 2013

Devenir homme en se confrontant aux forces adverses. Notes prises au cours de la conférence de Philippe Aubertin à Colmar

Le conférencier commence par citer 4 versets de l'Evangile, qui sonnent pour lui comme une musique de J.S. Bach:
17. Ainsi tout bon arbre fait de bons fruits; mais le mauvais arbre fait de mauvais fruits.
18. Le bon arbre ne peut point faire de mauvais fruits, ni le mauvais arbre faire de bons fruits.
(Matthieu 7:15-20 )
Il est facile de voir autour de nous les mauvais fruits: scandales financiers, guerres, etc... Donc ils ont été cueillis au mauvais arbre.
On revient sur "la Chute": l'homme créé par Dieu a touché au mauvais arbre. Nous naissons déchus. Nous devons travailler à défier la chute, à réparer les dommages. Sinon les mauvais fruits vont abonder: le front de la guerre est en nous. Voulons-nous devenir hommes, tels que Dieu nous a prévus?
Nous avons subi des dommages en quittant le paradis, nos facultés se sont altérées, en premier lieu notre mémoire, nous avons perdu le souvenir de nos origines. D'où vient l'homme? L'homme a été voulu par une intelligence incréée: Dieu.
Les "scientifiques" disent que l'homme est né par hasard de l'interaction des forces naturelles.
Le hasard? C'est ce qui n'a pas de cause. Qu'est-ce qu'une cause? Une raison d'être. Raison = intelligence. C'est "une démonstration" de l'existence de Dieu. (Philippe Aubertin dit qu'il plaisante à moitié).
Le hasard: une contradiction (cause sans cause), une défaite de la raison.
P. Aubertin cite Léon Bloy: "Le hasard est le Dieu des imbéciles". C'est comme si on construisait une maison avec des ouvertures pour mettre des portes et des fenêtres, et qu'ensuite on bouche ces ouvertures avec des parpaings (on aurait une contradiction du même genre).
Léon Bloy: "Les anciens prophètes avaient la mémoire de l'avenir". Pour dire qu'on a perdu aussi avec la mémoire, la faculté d'anticiper l'avenir (des études sur des malades d'Alzeimer ont montré que les deux choses étaient liées.)
Dans ce monde où l'homme se retrouve amnésique, on est égarés. Le péché en grec se dit amartia, ce qui veut dire qui rate sa cible (il n'y a pas ce sens culpabilisant qu'on lui donne habituellement).
Jusqu'au Moyen Age les hommes avaient encore le souvenir de Dieu.
Puis à la Renaissance et au Grand Siècle l'homme s'est perdu
C'est maintenant le "struggle for life", lutte pour survivre dans un monde devenu incompréhensible (déjà à partir du XVIIéme siècle).
Descartes dit dans le Discours de la Méthode: "Car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu'au lieu de cette philosophie spéculative, qu'on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. "
La science moderne, pratique, utile, avait commencé à s'opposer à la scholastique.
Derrière cette attitude se cache un être spirituel: Ahriman (la "mauvaise pensée" des Mazdéens). L'homme a oublié son père, Ahriman se présente comme le père qui manque. Il est sous la terre et non au ciel. Ahriman cherche à nous modeler à son image: génial, pratique, intelligent ("Notre père qui est sous terre"). Nous sommes des renégats.
La vision du monde d'Ahriman se développe suivant trois axes. Le monde doit apparaître comme 1) fonctionnel, 2) logique et 3) calculable.
  1. Fonctionnel = utile, vision fonctionnelle du monde, le monde comme mécanisme. Le contraire d'un mécanisme? C'est un organisme. On y perd le concept de vie.
  2. Logique: nous voulons des liens logiques entre les choses. La logique s'exprime par l'articulation "si ... alors..." (déterminisme mécaniste). La logique s'oppose au Logos (le verbe créateur)
  3. Calculable: Galilée (1623) a dit, en bref: Le livre de la nature est écrit en langage mathématique. (voir le lien que je (Pierre Moine) donne: http://www.irem.univ-montp2.fr/L-efficacite-des-mathematiques-est). Les hommes ont interprété: la nature est écrite en langage algébrique à déchiffrer. Dès lors tout est devenu nombre et chiffre. Tout chiffrer: la loi du nombre. Le qualitatif s'efface derrière le quantitatif (chiffré). La "Musique des Sphères" se résume à des chiffres. Par là dessus est apparu l'ordinateur (mention faite de Turing, l'Enigma, le Département du chiffre pour décrypter le code secret des allemands pendant la guerre).
La nature se trouve doublée par un monde qui fonctionne par lui-même pour lui-même. Il se crée une monde-machine dans lequel nous vivons.
Citation de Maurice Dantec: "Monde-machine = monde-camp" (idée d'emprisonnement).
Machine vient du grec Mekane, les machines à l'origine étant des machines militaires, des pièges destinés à tromper l'ennemi.

Un avenir sans Dieu c'est aussi un avenir sans homme.
Le choix: un monde inhumain où nous n'avons aucune place, ou ... quoi d'autre?
Comment se situer contre cela?
Solution "écolo"? Pas d'ordinateur, aller à vélo etc...? - non
Il faut retrouver la mémoire.
Dans la République de Platon, on a le mythe d'Er (cité par moi: http://fr.wikipedia.org/wiki/Mythe_d'Er_le_Pamphylien).
Dans ce mythe les âmes passent le fleuve du Léthé (de l'oubli).
Aléthéa c'est le non-oubli, c'est le mot grec pour dire la vérité.
Donc pour retrouver la mémoire il faut cultiver la vérité.
La vérité? C'est l'adéquation avec ce qui est ("la réalité", "Wirklichkeit" en allemand. Ce qui est (l'être) c'est Dieu. Il faut être en adéquation avec l'être.
Dans les évangiles on utilise l'expression Faire la vérité. C'est à dire faire ce qu'il faut dans la situation où l'on se trouve, agir en adéquation. La Christ dit encore: "celui qui est de la vérité, entend ma parole. Et encore: "Je suis la vérité". En adéquation avec tout ce qui est. "Je suis de la vérité".
La Révélation: le Logos est devenu humain en la personne de Jésus. Toute pensée qui se rapproche du Christ se rapproche de la vérité de la Révélation. (le Christ = présence du monde spirituel à l'intérieur de l'homme)
Si nous laissons les pensées se penser en nous nous faisons un travail de l'ordre de la vérité. Laissons les pensées nous dire qui elles sont.
Le hasard n'est pas un concept. Nous arrivons à un temps où ne plus faire de philosophie.
Philippe Aubertin cite Jacques Maritain (écrivain Thomiste): "Vraiment les philosophes jouent un jeu étrange. Ils savent bien qu’une
seule chose importe, et que toute la bigarrure des discussions subtiles recouvre une unique
question : pourquoi sommes-nous nés sur la terre ? Et ils savent aussi qu’ils ne pourront jamais
répondre. Cependant ils continuent à se distraire gravement. Ne voient-ils donc pas qu’on vient
vers eux de tous côtés, non par désir de partager leur habileté, mais parce qu’on espère recevoir
d’eux une parole de vie ? S’ils ont de telles paroles, pourquoi ne les crient-ils pas sur les toits, en
demandant à leurs disciples de donner, s’il le fallait, leur sang pour elles ? Sinon, pourquoi
souffrent-ils qu’on croie recevoir d’eux ce qu’ils ne peuvent pas donner ? Ah ! de grâce, si jamais
Dieu a parlé, si en quelque endroit du monde, fût-ce sur le gibet d’un crucifié, il a scellé sa vérité,
dites-le nous, voilà ce que vous devez nous apprendre : ou bien êtes-vous maîtres en Israël pour
ignorer ces choses ? Dès qu’il s’agit des choses divines et de notre salut, c’est à cette question qui
prime tout : y a-t-il une Révélation ? qu’il faut répondre d’abord.
C’est ainsi que la raison conduit le philosophe jusqu’à un vivant plus grand que lui, et dont le
nom est ineffable. Et certes, arrivé là, il pourra apprendre de quoi renouveler sa science de fond en
comble. Mais le philosophe suivra-t-il la raison jusqu’au bout ?"
Il faut rétablir la vérité en tout.
Les scientifiques demandent: comment la vie a-t-elle surgi de la mort?
Et si on inversait les termes: Comment la mort a-t-elle surgi de la vie? On en fait une question spirituellement féconde. La réponse : la Chute.
Le siècle des Lumières a vu l'apparition des libres-penseurs (athées, anarchistes ...)
Mais la pensée chrétienne est libre par excellence.
Qu'est-ce que la liberté? L'évangile: la vérité vous rendra libres.
On peut opposer deux libertés:
  1. Liberté selon la chair (corps et âme), liberté de faire ses désirs, impraticable. Nos penchants nous font pencher du côté de la Chute!.
  2. Liberté spirituelle. Il faut nous dépouiller de tous nos désirs. Se dépouiller de soi. Léon Bloy: "Vous voudriez comprendre comment la prescience de Dieu peut se concilier avec la liberté humaine. Ah ! pour moi, c'est bien simple. C'est comme si vous me disiez que vous ne comprenez pas comment l'idée du nombre trente peut se concilier avec l'idée du nombre cinq multiplié par le nombre six, ce que je ne comprends pas davantage. Je sais, sans pouvoir le comprendre, que la prescience divine et la liberté humaine n'ont aucun besoin d'être conciliées parce qu'elles sont exactement, absolument, essentiellement et consubstantiellement la MÊME CHOSE..." L'exercice de la liberté consiste à se dépouiller de sa volonté propre. Encore Léon Bloy: "la prière est le travail des hommes libres".
Philippe Aubertin cite Rudolf Steiner: "l'entêtement est mortel".
Il mentionne Angèle de Foligno.
Etre libre est un acte individuel.
L'avenir de l'homme est d'être libre.
Miracle en grec se dit dynamis (puissance). Le Christ a fait des miracles pour ceux qui croyaient.

En opposition aux transhumanisme où les hommes doivent s'augmenter d'eux-mêmes par les machines,
il faut se diminuer de soi et devenir hommes libres (chrétiens). Il n'y a pas d'autre voie.