mercredi 23 janvier 2013

Devenir homme en se confrontant aux forces adverses. Notes prises au cours de la conférence de Philippe Aubertin à Colmar

Le conférencier commence par citer 4 versets de l'Evangile, qui sonnent pour lui comme une musique de J.S. Bach:
17. Ainsi tout bon arbre fait de bons fruits; mais le mauvais arbre fait de mauvais fruits.
18. Le bon arbre ne peut point faire de mauvais fruits, ni le mauvais arbre faire de bons fruits.
(Matthieu 7:15-20 )
Il est facile de voir autour de nous les mauvais fruits: scandales financiers, guerres, etc... Donc ils ont été cueillis au mauvais arbre.
On revient sur "la Chute": l'homme créé par Dieu a touché au mauvais arbre. Nous naissons déchus. Nous devons travailler à défier la chute, à réparer les dommages. Sinon les mauvais fruits vont abonder: le front de la guerre est en nous. Voulons-nous devenir hommes, tels que Dieu nous a prévus?
Nous avons subi des dommages en quittant le paradis, nos facultés se sont altérées, en premier lieu notre mémoire, nous avons perdu le souvenir de nos origines. D'où vient l'homme? L'homme a été voulu par une intelligence incréée: Dieu.
Les "scientifiques" disent que l'homme est né par hasard de l'interaction des forces naturelles.
Le hasard? C'est ce qui n'a pas de cause. Qu'est-ce qu'une cause? Une raison d'être. Raison = intelligence. C'est "une démonstration" de l'existence de Dieu. (Philippe Aubertin dit qu'il plaisante à moitié).
Le hasard: une contradiction (cause sans cause), une défaite de la raison.
P. Aubertin cite Léon Bloy: "Le hasard est le Dieu des imbéciles". C'est comme si on construisait une maison avec des ouvertures pour mettre des portes et des fenêtres, et qu'ensuite on bouche ces ouvertures avec des parpaings (on aurait une contradiction du même genre).
Léon Bloy: "Les anciens prophètes avaient la mémoire de l'avenir". Pour dire qu'on a perdu aussi avec la mémoire, la faculté d'anticiper l'avenir (des études sur des malades d'Alzeimer ont montré que les deux choses étaient liées.)
Dans ce monde où l'homme se retrouve amnésique, on est égarés. Le péché en grec se dit amartia, ce qui veut dire qui rate sa cible (il n'y a pas ce sens culpabilisant qu'on lui donne habituellement).
Jusqu'au Moyen Age les hommes avaient encore le souvenir de Dieu.
Puis à la Renaissance et au Grand Siècle l'homme s'est perdu
C'est maintenant le "struggle for life", lutte pour survivre dans un monde devenu incompréhensible (déjà à partir du XVIIéme siècle).
Descartes dit dans le Discours de la Méthode: "Car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu'au lieu de cette philosophie spéculative, qu'on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. "
La science moderne, pratique, utile, avait commencé à s'opposer à la scholastique.
Derrière cette attitude se cache un être spirituel: Ahriman (la "mauvaise pensée" des Mazdéens). L'homme a oublié son père, Ahriman se présente comme le père qui manque. Il est sous la terre et non au ciel. Ahriman cherche à nous modeler à son image: génial, pratique, intelligent ("Notre père qui est sous terre"). Nous sommes des renégats.
La vision du monde d'Ahriman se développe suivant trois axes. Le monde doit apparaître comme 1) fonctionnel, 2) logique et 3) calculable.
  1. Fonctionnel = utile, vision fonctionnelle du monde, le monde comme mécanisme. Le contraire d'un mécanisme? C'est un organisme. On y perd le concept de vie.
  2. Logique: nous voulons des liens logiques entre les choses. La logique s'exprime par l'articulation "si ... alors..." (déterminisme mécaniste). La logique s'oppose au Logos (le verbe créateur)
  3. Calculable: Galilée (1623) a dit, en bref: Le livre de la nature est écrit en langage mathématique. (voir le lien que je (Pierre Moine) donne: http://www.irem.univ-montp2.fr/L-efficacite-des-mathematiques-est). Les hommes ont interprété: la nature est écrite en langage algébrique à déchiffrer. Dès lors tout est devenu nombre et chiffre. Tout chiffrer: la loi du nombre. Le qualitatif s'efface derrière le quantitatif (chiffré). La "Musique des Sphères" se résume à des chiffres. Par là dessus est apparu l'ordinateur (mention faite de Turing, l'Enigma, le Département du chiffre pour décrypter le code secret des allemands pendant la guerre).
La nature se trouve doublée par un monde qui fonctionne par lui-même pour lui-même. Il se crée une monde-machine dans lequel nous vivons.
Citation de Maurice Dantec: "Monde-machine = monde-camp" (idée d'emprisonnement).
Machine vient du grec Mekane, les machines à l'origine étant des machines militaires, des pièges destinés à tromper l'ennemi.

Un avenir sans Dieu c'est aussi un avenir sans homme.
Le choix: un monde inhumain où nous n'avons aucune place, ou ... quoi d'autre?
Comment se situer contre cela?
Solution "écolo"? Pas d'ordinateur, aller à vélo etc...? - non
Il faut retrouver la mémoire.
Dans la République de Platon, on a le mythe d'Er (cité par moi: http://fr.wikipedia.org/wiki/Mythe_d'Er_le_Pamphylien).
Dans ce mythe les âmes passent le fleuve du Léthé (de l'oubli).
Aléthéa c'est le non-oubli, c'est le mot grec pour dire la vérité.
Donc pour retrouver la mémoire il faut cultiver la vérité.
La vérité? C'est l'adéquation avec ce qui est ("la réalité", "Wirklichkeit" en allemand. Ce qui est (l'être) c'est Dieu. Il faut être en adéquation avec l'être.
Dans les évangiles on utilise l'expression Faire la vérité. C'est à dire faire ce qu'il faut dans la situation où l'on se trouve, agir en adéquation. La Christ dit encore: "celui qui est de la vérité, entend ma parole. Et encore: "Je suis la vérité". En adéquation avec tout ce qui est. "Je suis de la vérité".
La Révélation: le Logos est devenu humain en la personne de Jésus. Toute pensée qui se rapproche du Christ se rapproche de la vérité de la Révélation. (le Christ = présence du monde spirituel à l'intérieur de l'homme)
Si nous laissons les pensées se penser en nous nous faisons un travail de l'ordre de la vérité. Laissons les pensées nous dire qui elles sont.
Le hasard n'est pas un concept. Nous arrivons à un temps où ne plus faire de philosophie.
Philippe Aubertin cite Jacques Maritain (écrivain Thomiste): "Vraiment les philosophes jouent un jeu étrange. Ils savent bien qu’une
seule chose importe, et que toute la bigarrure des discussions subtiles recouvre une unique
question : pourquoi sommes-nous nés sur la terre ? Et ils savent aussi qu’ils ne pourront jamais
répondre. Cependant ils continuent à se distraire gravement. Ne voient-ils donc pas qu’on vient
vers eux de tous côtés, non par désir de partager leur habileté, mais parce qu’on espère recevoir
d’eux une parole de vie ? S’ils ont de telles paroles, pourquoi ne les crient-ils pas sur les toits, en
demandant à leurs disciples de donner, s’il le fallait, leur sang pour elles ? Sinon, pourquoi
souffrent-ils qu’on croie recevoir d’eux ce qu’ils ne peuvent pas donner ? Ah ! de grâce, si jamais
Dieu a parlé, si en quelque endroit du monde, fût-ce sur le gibet d’un crucifié, il a scellé sa vérité,
dites-le nous, voilà ce que vous devez nous apprendre : ou bien êtes-vous maîtres en Israël pour
ignorer ces choses ? Dès qu’il s’agit des choses divines et de notre salut, c’est à cette question qui
prime tout : y a-t-il une Révélation ? qu’il faut répondre d’abord.
C’est ainsi que la raison conduit le philosophe jusqu’à un vivant plus grand que lui, et dont le
nom est ineffable. Et certes, arrivé là, il pourra apprendre de quoi renouveler sa science de fond en
comble. Mais le philosophe suivra-t-il la raison jusqu’au bout ?"
Il faut rétablir la vérité en tout.
Les scientifiques demandent: comment la vie a-t-elle surgi de la mort?
Et si on inversait les termes: Comment la mort a-t-elle surgi de la vie? On en fait une question spirituellement féconde. La réponse : la Chute.
Le siècle des Lumières a vu l'apparition des libres-penseurs (athées, anarchistes ...)
Mais la pensée chrétienne est libre par excellence.
Qu'est-ce que la liberté? L'évangile: la vérité vous rendra libres.
On peut opposer deux libertés:
  1. Liberté selon la chair (corps et âme), liberté de faire ses désirs, impraticable. Nos penchants nous font pencher du côté de la Chute!.
  2. Liberté spirituelle. Il faut nous dépouiller de tous nos désirs. Se dépouiller de soi. Léon Bloy: "Vous voudriez comprendre comment la prescience de Dieu peut se concilier avec la liberté humaine. Ah ! pour moi, c'est bien simple. C'est comme si vous me disiez que vous ne comprenez pas comment l'idée du nombre trente peut se concilier avec l'idée du nombre cinq multiplié par le nombre six, ce que je ne comprends pas davantage. Je sais, sans pouvoir le comprendre, que la prescience divine et la liberté humaine n'ont aucun besoin d'être conciliées parce qu'elles sont exactement, absolument, essentiellement et consubstantiellement la MÊME CHOSE..." L'exercice de la liberté consiste à se dépouiller de sa volonté propre. Encore Léon Bloy: "la prière est le travail des hommes libres".
Philippe Aubertin cite Rudolf Steiner: "l'entêtement est mortel".
Il mentionne Angèle de Foligno.
Etre libre est un acte individuel.
L'avenir de l'homme est d'être libre.
Miracle en grec se dit dynamis (puissance). Le Christ a fait des miracles pour ceux qui croyaient.

En opposition aux transhumanisme où les hommes doivent s'augmenter d'eux-mêmes par les machines,
il faut se diminuer de soi et devenir hommes libres (chrétiens). Il n'y a pas d'autre voie.